Petite histoire de démographie
Par : Anaïse

Vous avez sûrement déjà vu des courbes comme celle ci-contre. Elle représente la transition démographique. La baisse de la mortalité, suivie de la baisse de la natalité. En dessous de ces deux courbes, on voit l’évolution de la population (aire pointillée), qui résulte de l’équilibre entre ces deux facteurs, natalité et mortalité. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ? Comment est-on passé d’un bout à l’autre de la courbe? C’est ce que nous allons voir dans cette série d’articles. Dans celui-ci, nous sortons de l’homéostasie, en abordons le XIXème siècle!

2 ) Le XIX ème siècle



Le romantisme
Le XIXème siècle est marqué par l’apparition du romantisme, qui survient tout d’abord dans la bourgeoisie. (En réalité, on en trouve des traces dans la bourgeoisie du XVIIIème siècle, mais c’est alors une classe minoritaire, qui ne devient la classe dominante qu’avec la révolution de 1789.) Les constructions de genre, la fille qui doit être pure et douce, le garçon qui doit être protecteur, viril, apparaissent également durant cette période.
Dans la mentalité des gens, le mariage devient de plus en plus relié à l’amour. On se met à valoriser l’amour passionné, le coup de foudre, dont on se méfiait aux siècles précédents.
Il est néanmoins important de préciser que le romantisme est beaucoup plus un idéal qu’une réalité. Les mariages ne sont pas vraiment plus libres qu’auparavant.
D’où vient l’apparition du romantisme ? Il y a plusieurs facteurs qui peuvent l’expliquer. L’arrivée de la bourgeoisie comme classe dominante de la société, d’abord. Dans les valeurs bourgeoise, bien qu’en contradiction avec la réalité, il y a l’idée de s’être construit soi-même, d’être l’artisan de sa fortune, de sa réussite, de son bonheur. La notion de liberté est importante. Moi en tant qu’individu, je choisis ma femme /mon époux, celui ou celle que me rendra heureux.se, et dont je suis amoureux.se.
Cette idée d’individualité est aussi induite par un autre facteur : l’industrialisation. Auparavant, la ferme appartenait à la famille, qui était l’unité économique. Mais avec la naissance et la propagation de l’industrie, chaque personne reçoit un salaire, les gens ne sont plus dépendants les uns des autres. On n’a plus besoin de se marier avec sa cousine, ou avec une fille du village, afin de garder la terre dans la famille.
La famille est moins influente dans la question du mariage, puisque les jeunes dépendent moins de leurs parents qu’avant. En plus, de nombreux jeunes partent vers les nouvelles villes industrielles tandis que leurs parents restent à la campagne.
La baisse démographique
La situation démographique change aussi, au cours du XIXème siècle. Les progrès de la médecine, ainsi que la mondialisation qui permet une meilleure alimentation entraîne une baisse de la mortalité, notamment de la mortalité infantile. (Bien que celle-ci reste néanmoins relativement haute dans certaines villes industrielles au conditions sanitaires déplorable. )
Mais la mortalité n’est pas le seul facteur démographique à changer. La natalité baisse également de façon significative. C’est un phénomène qui n’est pas entièrement expliqué, bien que plusieurs hypothèses et théories coexistent.
La théorie de l’adaptation
L’une d’entre elle est la théorie de l’adaptation. Moins d’enfants meurent en bas âge, cela fait plus de bouches à nourrir. De plus, des lois sont progressivement mises en places, qui interdisent de faire travailler les enfants avant 8 ans, puis 10 ans.
Effet du romantisme et du salaire personnel, les jeunes partent également de plus en plus tôt de chez leurs parents, cessant donc de leur ramener l’argent qu’ils gagnent. La conclusion est simple, faire beaucoup d’enfants coûte plus que cela ne rapporte, puisque qu’il faut les nourrir longtemps sans qu’il ne rapporte d’argent, et qu’au moment ou le salaire devient vraiment conséquent, ils quittent leurs parents pour fonder leur propre foyer.
Le passage de l’enfant utile à l’enfant précieux
L’inutilité relative des enfants d’un point de vue économique, ajoutée à la romantisation du XIXème siècle entraîne un autre changement qui pourrait lui aussi expliquer la baisse de la natalité : le passage de l’enfant utile à l’enfant précieux. Le fait que les enfants ne soient plus économiquement nécessaire induit l’idée que si on fait des enfants, c’est qu’on veut des enfants. Le propos n’est pas du tout qu’auparavant, les parents n’aimaient pas leurs enfants, mais plutôt que désormais, les enfants ont été désirés. Ce ne sont plus eux qui doivent aider leurs parents, mais leurs parents qui doivent subvenir à leur besoins, leur assurer le meilleur avenir possible. Les parents se mettent à penser que ne pas faire trop d’enfant permet aussi de donner plus de chance à ces derniers. Il est possible, par exemple, d’offrir une instruction, des chances de s’élever dans l’échelle sociales à un, deux ou trois enfants, mais pas à plus.
La théorie de la diffusion
La théorie de la diffusion n’a pas vraiment d’explication, plutôt une base empirique. Selon elle, le changement se serait d’abord produit dans les hautes classes sociales, puis se serait diffusé dans les classes populaire, par une sorte d’imitation. Cette théorie est donc à l’opposé de celle de l’adaptation, mais quand on observe certains cas, on constate que le plus probable est qu’elles aient coexisté.
Une société préparée ?
L’église est restée très à l’écart du milieu ouvrier durant la majeure partie du XIXème siècle, ce qui fait qu’elle s’est rendu compte étonnamment tard de ce qui s’est passé. Dès qu’elle se rend compte de cette tendance à contrôler les naissances – principalement via les confessions faites aux curés- , elle est évidemment contre. Le discours officiel, de manière général, refuse les moyens de contraception autre que l’abstinence. Comment expliquer que malgré cela, le mouvement ait eu une telle ampleur ?
C’est que les valeurs de la société de l’époque avait en quelque sorte préparé les mentalités. Le contrôle de soi, la prévoyance, le fait de bien présenter, d’avoir une famille « propre en ordre », de monter dans l’échelle sociale, ou du moins de permettre à sa descendance de le faire, tout cela, véhiculé par les idéaux du XIXème siècle, cadrait assez bien avec le contrôle des naissances.
Source de l’article : Cours « démographie et antropologie des populations » à l’Unige, par Michel Oris