Petite histoire de démographie- Quelques exemple de transitions
par : Anaïse
Dans les trois premiers articles de cette série, nous avons vu comment le régime démographique est passé d’un régime avec une forte mortalité et une forte natalité à une démographie plus « contrôlée », avec peu de décès et peu de naissances. Nous avons parlé des différentes théories qui pourraient expliquer cette baisse de la natalité. Dans cet article, nous allons regarder de plus près trois cas concrets, afin de voir comment la démographie de ces trois exemples a basculé.
Les armuriers de la Basse-Meuse

Le premier cas dont nous allons parler est celui des armuriers de la Basse-Meuse (région de la province de Liège). Ces armuriers étaient depuis le XVIIIème siècle spécialisés dans la fabrication de tromblons.
En hiver, la consommation de charbon augmentant (il en fallait pour le chauffage en plus de celui necessaire pourles hauts fourneaux, les machines à vapeur, etc.), les mines recrutaient des ouvriers supplémentaires. Les armuriers allaient souvent traviller à l’extraction de charbon, durant l’hiver, avent de retourner à l’armurerie en été.
Ils exercaient donc les deux activités, artisans et ouvriers, toutefois, dans une région très industrialisée, et majoritairement ouvrière, ils tiraient une certaines fierté du fait d’être des artisans, allant jusqu’à se qualifier de petits-bourgeois. On peut le voir notamment dans les recensements de population, quand il fallait indiquer la profession, la réponse était « armuriers », sans mention de l’activité minière.
Dans les années 1870 arriva la dépression économique, qui allaient durer jusqu’autour de 1890. Pour les armuriers, c’est la catastrophe. Ils ont l’impression que cette dépression va les faire retomber dans le « prolétariat » dont ils étaient parvenu à sortir. Il leur fallait maintenir leur staut social de « petits-bourgeois ». Et comment ? En faisant moins d’enfants. La chute de la démgraphie est dans cette communauté d’armuriers une réaction défensive, pour maintenir leur staut.
La motivation n’est pas seulement celle d’avoir moins de bouches à nourrir, c’est aussi le fait de pouvoir assurer à leurs enfants un bon avenir. Si on a suffisemnt peu d’enfants pour ne pas avoir besoin de laes faire traviller pour les nourrir, on peut les envoyer à l’école, qui étaient pour ces armuriers le moyen de promotion sociale par exellence.
Et puis, être une famille bouregoise à la fin du XIXème siècle, c’est aussi et surtout « présenter bien ». Envoyer ses enfants à é’école, ou ils apprendront les valeures bourgeoises, mais aussi par exemple, pouvoir les habiller élégamment pour aller à l’église (ou tout le monde les voit), et ça aussi ce n’est pas possible, avec les revenus d’un armurier pendant la crise économique avec trop d’enfants.
Donc la fécondité décline. On est dans une conjonction de la théorie de l’adaptation (moins d’enfants, ça coute moins, ça me permet de garder mon statut social, mon mode de vie, malgré la contrainte éconmique) et de la théorie de la diffusion (il s’agit aussi d’une acculturation au valeures bourgeoises, à travers l’instrcution des enfants, l’idée qu’il faut se monter sous son meilleure jour, etc)
Les indigents de Huy

Le deuxième cas concerne les indigents, dans la ville d’Huy. On constate d’après les registres de population que la démographie de cette population a basculé entre 1815 et 1875. (Le nombre d’intervalles longs (plus de deux ans) entre deux naissances a quasiment doublé entre ces deux dates, ce qui indique une contraception d’espacement). Alors, pourquoi cette transition chez les indigents d’Huy ? Diffusion, ou adaptation ?
Tout d’abord, une précision. Le terme indigent désigne les pauvres qui dépensent du bureau de bienfaisance de la ville. Donc c’est ce dernier qui pourvoit, du moins en partie, à leur besoin.
Pour le bureau de bienfaisance, sa mission est non seulement d’aider les pauvres, mais aussi de les moraliser, de leur inculquer les « bonnes » valeurs. Donc, des bénevoles, souvent de jeunes bourgeois, allaient « visiter » les foyers des indigents, pour vérifier comment l’argent du bureau de bienfaisance était utilisé. Concrétement, il s’agissait d’intrusion surprise des visiteur des pauvres, qui commentaient ce qu’ils voyaient « ca alors ce n’est pas balayé! » qui fouillaient les tiroirs « oh une bouteille d’alcool, c’est mal, je vais aller la vider dehors ». A travers ces remarques, et la peur de perdre l’aide du bureau de bienfaisance, se répand parmi cette population des indigents de Huy le souci d’avoir une « façade » convenable pour les valeurs bourgeoises, donc la faire moins d’enfants aide, c’est plus facile d’avoir un type de vie, d’organisation qui convienne aux visiteurs des pauvres avec peu d’enfants.
(Ainsi, il est par exemple possible de faire dormir dans des lieux différents les parents, les garçons et les filles)
Parallèlement à ceci, une condition de l’aide du bureau de bienfaisance était que les enfants soient scolarisés au moins jusqu’à leur 12 ans.
La première conséquence de cette scolarisation forcée était l’impossibilité pour les enfants de subvenir en partie au besoin de la famille, ce qui implique que moins d’enfants, c’était aussi moins de bouches à nourrir.
La seconde conséquence, c’est que les enfants sont donc « éduqué » par l’école aux valeurs bourgeoises. (Via les leçons de morale, les dictées anti alcooliques, etc.)
Là encore, dans cette transition, on retrouve certains éléments des deux théories, adaptation et diffusion.
Adaptation, parce que les indigeants de Huy dépendent du buresu de bienfaisance, donc si se plier aux exigence de ce drenier est plus facile avec moins d’enfants, ils se retrouvent en quelque sorte contraints restreindre leur fécondité.
C’est là le principal ressort de la transition de cette population, mais malgré tout, il y a aussi une part de diffusion des valeurs et des façons de faire bourgeoises, via la scolarisation et la valorisation de ce qui y correspond par les visiteurs de pauvres.
Les jeunes filles aux alentours de Gand

Pour ce troisième et dernier cas, nous regarderons les village autour de la ville belge de Gand. Dans ces villages, les filles qui faisaient leur life cycle service pouvaient le faire soit à la campagne, dans leur village ou dans un village voisin, soit en ville, à Gand, ou elles étaient employées comme domestiques dans des familles bourgeoises.
Regardons le nombre moyen d’enfant qu’on eut ces filles, quand, leur life cycle service fini, elles sont rentrées dans leur village d’origine pour fonder une famille (nous laissons volontairement de coté la minorité d’entre elles qui ne sont pas rentrées dans le village ou elles sont nées)
En observant ces statistiques, on constate que celles qui avaient travaillé en ville ont fait en moyenne beaucoup moins d’enfants que celles qui sont allées travailler dans une ferme à la campagne.
(2, 790 enfants pour les femmes qui ont fait leur life cycle service à Gand contre 4,450 pour celles qui sont restées à la campagne)
Comment expliquer cette transition démographique précoce d’une partie très spécifique de la population ?
En quoi le fait d’avoir travaillé comme servante dans un foyer riche pousse-t-il à faire moins d’enfants ?
L’explication à cette curieuse différenciation du nombre d’enfants selon le lieu du life cycle service se trouve dans la théorie de la diffusion.
Malgré un travail pas toujours simple, les servantes de gant vivaient dans les maisons bourgeoises, côtoyaient de près ces familles riches. Le luxe dans lequel vivaient les familles bourgeoises a pu leur faire envie, les faire rêver à autre chose que ce qu’elles avaient connu à la campagne.
Leur proximité avec les familles aisées a pu induire ce qu’on appelle l’apprentissage social, c’est à dire le fait d’observer une population, ou des individus auxquels on aimeraient ressembler, et de reproduire leurs comportements ou du moins d’être influencé par ceux-ci. Les familles bourgeoises faisaient peu d’enfants, les femmes qui avaient travaillé chez elles durant leur jeunesse se sont mises à leur tour à baisser leur natalité, comme elles pourraient par exemple ramener dans leur village certaines coutumes ou façon de faire apprises en ville.
(On observe le même type de phénomènes dans la ville de Louvain, ou les couples flamands ayants des voisins francophones (avec un taux de natalité plus faible) ont entamé le déclin de leur fécondité plus tôt que ceux qui n’avaient pas de voisins francophones, juste par imitation, par apprentissage social.)
Ce qu’il faut retenir, ce qu’il y a de commun entre ces trois exemple, c’est que jamais personne n’a dit à ces couples qu’il fallait faire moins d’enfants. C’est soit parce qu’il était plus facile de vivre mieux avec moins d’enfants, soit parce que les valeurs bourgeoises sont « sympathiques » au contrôle de la fécondité (prévoyance, avoir une famille convenable »), ou encore par observation du mode de vie des élites (qui avaient déjà effectué leur transition), que la fécondité a décliné.
Source de l’article : Cours « Démographie et anthropologie des populations » à l’Unige par Michel Oris